Géologie des Antilles
Géologie de la Guadeloupe: la Grande -Terre
Contexte géographique et morphologique
La Grande-Terre est située entre 16°15' et 16°30'de latitude nord et 61°104 et 61°35' de longitude ouest. Elle s'étend sur une superficie de 556 km2. Un ensemble de fractures la divisent en quatre ensembles morphostructuraux: Les Grands Fonds, les Plateaux de l'Est, les Plateaux du Nord et la Plaine de Grippon.
Figure 1: Morphologie de la Grande-Terre
- Les Grands Fonds.
Ils représentent la zone la plus élevée de la Grande-Terre. Le point culminant est le Morne l'Escalade qui atteint 136 m. Les Grands Fonds sont limités au Nord par la Plaine de Grippon, véritable fossé d'effondrement, au sud par la faille du Gosier. Ils sont séparés à l'est par les Plateaux de l'Est par la suite de la faille qui délimite la Plaine de Grippon. Des réseaux de failles orientées N 90°, N130° et N40° la découpent en blocs plus ou moins effondrés.
- Les Plateaux de l'Est.
L' altitude maximale atteint 50 m au niveau des falaises du NE. Celle ci augmente régulièrement d'Ouest en Est. Ces Plateaux de l'Est sont subdivisés en Plateau du Moule au nord auquel fait suite au sud la Plaine de la Simonière séparée elle même des Plateaux de Saint François. L'extrémité orientale est constituée de la Pointe des Châteaux longue de 8 km et qui constitue le prolongement des Plateaux de Saint François et du Moule et séparés partiellement par un escarpement.
- Les Plateaux du Nord
Ils sont composés de trois unités :
- au nord, les Hauteurs Caraïbes, petit plateau de 5 km de long sur 1 km de large. Ils dominent la mer de 88 m à la Pointe de la Grande Vigie,
- au centre les Plateaux Saint Jacques séparés des Hauteurs Caraïbes par une faille NE-SW. Ce plateau est affaissé par rapport aux Hauteurs Caraïbes,
- au sud le Plateau de Beauport-Ste Marguerite. Il est limité à l'Est par une côte de 88 m au niveau de l'Anse Archange Neau. Il s'incline en pente douce vers l'ouest, nord-ouest. Il est affaissé par rapport au Plateau Saint Jacques le long d'une faille NE-SW.
- La Plaine de Grippon
Il s'agit d'une plaine d'effondrement orientée WNW - ESE de 9 km de long sur 1,5 km de large. Sa position centrale la met en relation directe avec les trois ensembles précédents.
La Grande-Terre est donc constituée de trois horsts: les Plateaux du Nord, les Plateaux de l'Est et les Grands Fonds qui encadrent le graben de la Plaine de Grippon. Ces différents compartiments sont entaillés de failles créant le dénivelé entre eux.
Figure 2: Coupe topographique N-S de la Grande-Terre (d'après Garrabé, modifié)
Lithostratigraphie
La Grande-Terre constitue la plus importante et la plus complète série sédimentaire des Petites Antilles. Elle est épaisse de plus de 120 m. C’est une série d’âge Pliocène inférieur à Pléistocène supérieur.
Les séries sédimentaires
Cette série sédimentaire est divisée en deux grands groupes (J-L Léticée, 2008):
- le groupe des Calcaires à Rhodolithes caractérisé par la prédominance de type rhodalgal. C’est un faciès où dominent des rhodolithes en nodules de diamètre centimétrique à décimétrique. Il est subdivisé en trois unités :
o la Formation des Calcaires inférieurs à Rhodolithes. Il s’agit de calcaires bioclastiques riches en rhodolithes en nodules de diamètre centimétrique à décimétrique. Cette formation est datée du Pliocène inférieur.
o la Formation volcano-sédimentaire repère. Elle est constituée d’éléments volcaniques polygéniques et hétérométriques noyés dans une matrice calcaire argilo sableuse. On y trouve des rhodolithes, des coquilles de lamellibranches.
o la Formation des Calcaires supérieurs à Rhodolithes. Ce sont des calcaires bioclastiques dans lesquels les rhodolithes abondent.
Ce groupe de calcaires à rhodolithes est daté du Pliocène supérieur au Pléistocène inférieur.
L'affleurement de Cocoyer au Gosier( N 16°14', W 61°29' )permet d'illustrer cette série.
- le groupe des Calcaires à Polypiers marque un changement de sédimentation qui se manifeste par le remplacement des faciès de type rhodogal par des faciès où dominent les polypiers. Il est daté du Pléistocène inférieur et est subdivisé en deux unités :
o la Formation des Calcaires à Agaricia. Il s’agit d’un calcaire bioclastique blanc dont le contenu paléontologique est dominé de madrépores des genres Montastrea, Diploria et Agarica. On y trouve également des fossiles de lamellibranches et de gastéropodes ainsi que de rares rhodolites.
o la Formation des Calcaires à Acropora. Ce sont des calcaires bioclastiques constitués de débris d’Acropora, de Diploria et de Montastrea.
L'affleurement de Delair a Sainte Anne (N 16°16'10'', W 61°27' 27'') permet d'illustrer cette série.
Au total les sédiments carbonatés qui affleurent en Grande Terre sont organisés en 5 unités lithostratigraphiques : Unité 1 : la Formation des Calcaires inférieurs à Rhodolithes, Unité 2 : la Formation volcano sédimentaire repère, Unité 3 : la Formation des Calcaires supérieurs à Rhodolithes, Unité 4 : la Formation des Calcaires à Agaricia et Unité 5 : la Formation des calcaires à Acropora. Ce sont des sédiments déposés sur une plateforme peu profonde de mer inter–tropicale depuis 3,5 Ma et qui ont subis l’influence du volcanisme marquée par des niveaux volcano - sédimentaires. Au sein de cette série sédimentaire ont été reconnues quatre surfaces de discontinuité émersive notées S-1, S0, S1 et S2.
L’ensemble de ces sédiments reposent sur en discordance sur des terrains volcaniques anté-Miocène moyen.
Les discontinuités émersives.
La surface d’érosion S-1 a été localisée dans la partie basale des Calcaires inférieurs à Rhodolithes. C’est la première discontinuité émersive présente dans la série sédimentaire de la Grande - Terre.
La surface S0 sépare les calcaires inférieurs à Rhodolithes de la formation volcano-sédimentaire. Il s’agit de la seconde discontinuité émersive.
La surface d’émersion S1 marque le sommet de la Formation des Calcaires à Agaricia. Elle est surmontée par des dépôts sablo-calcaires puis par une formation récifale à Acropora. Cette discontinuité est datée à 1,66 Ma.
La surface d’émersion S2 localisée au sommet de la Formation des Calcaires à Acropora. Elle correspond à l'émersion finale de la plate-forme carbonatée.
Figure 3: Schéma des différentes formations de la Grande -Terre.
Les séquences stratigraphiques
Les cinq formations décrites précédemment sont interprétées comme représentant quatre séquences sédimentaires (S1 à S4)
Les séquences S1 et S2 correspondent à la formation des Calcaires inférieurs à rhodolithes. Elles sont datées du Zancléen inférieur (5,33 Ma) au Gélasien supérieur (1,80 Ma). Les dépôts de ces séquences ( rhodolithes, foraminifères planctoniques) se sont mis en place sur une rampe à pente distale orientée vers l'Est.
La rampe a émergé au cours du Zancléen et plus tard au Plaisancien inférieur donnant les surfaces d'érosion S-O et S-1. Les mouvements verticaux responsables de l'émersion est de l'ordre de la dizaine de mètres.
La séquence S3 est composé de la formation volcano-sédimentaire, des calcaires supérieurs à rhodolithes et des calcaires à Agaricia. elle est datée du Plaisancien inférieur au Calabrien supérieur.. Les dépôts se sontmis en place sur une rampe inclinée vers l'Est. La surface S2 représente la limite suérieure de cette séquence.
La séquence S4 se compose de la formation des Calcaires à Acropora.; Les dépôts se sont produits sur une "flat-topped platform" où dominaient les coraux.de type Acropora palmata.
L'émersion finale de la Grande - Terre se produit à la fin du Calabrien
Figure 4: Schéma des séquences stratigraphiques
Géologie structurale
- Les Plateaux du Nord
Le bloc le plus au nord, les Hauteurs Caraïbes est séparé du Plateau Saint-Jacques par une faille N40° dont le rejet atteint une trentaine de mètres.
Le Plateau Saint-Jacques domine le Plateau de Beauport -Sainte Marguerite. Ils sont séparés par la Barre de Cadoue constituée par un ensemble de 5 failles successives suivant trois directions principales, ceci depuis la Porte d'Enfer jusqu'aux plaines situées entre Port Louis et Anse-Bertrand. On est en présence d'une faille N0° suivie d'une autre N40° puis une nouvelle N0° puis un grand accident N40° et enfin un autre N130°.
Dans sa partie méridionale, les Plateaux du Nord présentent une série d'accidents tectoniques orientés NW-SE. exeptés entre Blanchet et Duteau et au niveau de la Ravine du Nord-Ouest où l'on passe de failles N130° à N40°. Ces failles abaissent la plaine de Grippon.
Figure 5: Carte structurale des Plateaux du Nord
- Les Grands-Fonds
Les Grand-Fonds sont parcourus de nombreux petits accidents entrainant un abaissement des blocs du centre vers la périphérie.
On a alors une espèce de caisson dont la zone centrale la plus élevée s'étend sur 8 km du nord au sud sur 10 km d'est en ouest. La limite occidentale de ce caisson est constituée de failles N0°. La limite orientale est représentée par un long escarpement qui sépare donc les Grand-Fonds des Plateaux de l'Est.
Figure 6: Carte structurale des Grands-Fonds
- Les Plateaux de l' Est
Les failles des Grands-Fonds dans le prolongement de de la Plaine de Grippon se prolongent au niveau des Plateaux de l'Est par des accidents N130°.
Les accidents des Plateaux de l'Est créent différents niveaux:
- le caisson de Châteaubrun abaissé par rapport au Plateau du Moule et à la Plaine de la Simonière situés au nord.
- la Plaine de la Simonière est elle même dominée par le Plateau du Moule mais domine à son tour au sud-est une zone comprise entre l'Anse à la Barque et Saint François.
Le Plateau du Moule est entaillé de différents accidents et peut être divisé en deux parties par une ligne allant de Valleral à la Rivière d'Audouin et passant par Bel-Etang. Ce Plateau du Moule domine au sud-est les zones qui lui font suite. Au nord-ouest il est dominé par les Plateaux du Nord au niveau de la Ravine du Nord-Ouest et par les Grands-Fonds.
Figure 7: Carte structurale des Plateaux de l'Est
La plateforme carbonatée constitutive de la Grande-Terre est donc fracturée. Quatre directions principales de fractures ont été mises en évidence: N0, N40, N130 et N90.
Conclusion
La série sédimentaire constitutive de la plate-forme carbonatée de la Grande=Terre se compose de cinq unités lithostratigraphiques.
Le groupe des Calcaires à rhodolithes divisé en trois formations:
- La formation des Calcaires inférieurs à rhodolithes. Elle est datée du Pliocène supérieur. Le sommet est marqué par la discontinuité S° à 1,95 Ma.
- La formation volcano-sédimentaire d'âge Pliocène terminal à Pléistocène inférieur soit -1,95 à -1,77 Ma.
- La formation des Calcaires supérieurs à rhodolithes. Son sommet est daté à 780 000 ans.
Le groupe des Calcaires à Polypiers divisé en deux formations
- La formation des Calcaires à Agaricia. Elle est d'âge pléistocène moyen. Son sommet correspond à la surface de discontinuité S1 datée à 670 000 ans.
- La formation des Calcaires à Acropora. Elle est d'âge pléistocène moyen à pléistocène supérieur. Son sommet correspond à la surface de discontinuité S2 datée de 450 000 ans
Ces plate-formes ont évolué en passant d'une morphologie de type rampe à pente distale au Pliocène supérieur à une morphologie de type "flat-topped" au Pléistocène.
Figure 7: Les deux grands types de plate-forme
Au niveau tectonique on distingue deux phases:
La première se caractérise par une lente subsidence. Sa vitesse a été estimée est comprise entre 28,7 et 57 mm en 1 000 ans.
La deuxième correspond à un soulèvement. La vitesse varie entre 0,12 et 0,48 mm/an. Ce soulèvement est la conséquence de mouvements verticaux, il a permis l'émersion à 330 000 ans de la plate-forme carbonatée de la Grande-Terre, puis son démantèlement qui a conduit au paysage actuel. Il est souligné par les directions de fracturation N130 et N90.
POUR ALLER PLUS LOIN
J-J Cornée et al (2012) Sedimentology, paleoenvironments and biostratigraphy of the Pliocene-Pleistocene carbonate platform of Grande-Terre (Guadeloupe, Lesser Antilles forearc). Sedimentology, 59 1426-1451.
F. Garrabé (1983) Evolution sédimentaire et structurale de la Grande Terre de Guadeloupe, Thèse 3ème cycle, Paris-Sud Orsay.
J-L Léticée et al. (2005) Mise en évidence d’une discontinuité émersive majeure au sein de la plate-forme récifale plio-pléistocène de l’avant-arc des Petites Antilles. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences.
J-L Léticée (2008) Architecture d'une plateforme carbonatée insulaire plio-pléistocène en domaine de marge active (avant arc des Petites Antilles, Guadeloupe): chronostratigraphie, sédimentologie et paléoenvironnements. Thèse de Doctorat.Université des Antilles et de la Guyane.